Fin prêt pour l’exposition universelle de 1900.
En cette année 1900, les fiacres font la navette entre la Gare d’Orsay, qu’on vient d’inaugurer, et le tout nouvel Hôtel Regina, ouvert depuis quelques semaines. Il a été spécialement réalisé pour accueillir les visiteurs de l’exposition universelle. C’est d’ailleurs ce que vont faire ces dames aux chapeaux surmontés de plumes et de voilettes, en compagnie des messieurs coiffés de hauts de formes ou autres couvre-chefs. Le nouvel opéra, conçu par Charles Garnier pour Napoléon III, qui n’en vit pas l’achèvement, est proche.
L’Angleterre est à la mode. La relation personnelle amicale entre la reine Victoria et l’empereur Napoléon III a scellé ce que l’on appelle dans les cercles de diplomatiques « l’Entente cordiale ». L’hôtel est baptisé « Régina » en l’honneur de la souveraine du Royaume uni, impératrice des Indes.
Les deux promoteurs de l’hôtel, Léonard Tauber et Constant Baverez, pendant deux ans, de 1898 à 1900, ont fait restructurer un immeuble second empire. Ils ont doté ce palace de tout le confort moderne : ascenseur, électricité, chauffage central, eau chaude et salle de bain dans toutes les chambres. Mais le confort ne suffit pas, le palace doit être beau.
Un palace Art Nouveau
Pour cela, ils ont réuni les artistes et les ébénistes les plus doués pour embellir l’établissement dans le style Art Nouveau très en vogue, notamment, pour les vitraux, Jacques Galland de la fameuse Ecole de Nancy dont sont issus Louis Majorelle et son fils, Jacques.
Depuis 120 ans dans la famille Baverez
A l’inverse de la valse des établissements entre grands groupes hôteliers, qui sévit dans le monde, c’est toujours la même famille qui possède et gère le Regina depuis 120 ans, la famille Baverez, descendante de Constant Baverez, l’un des deux associés d’origine. Mme Françoise Baverez et sa fille Véronique Valcke sont aux commandes d’un ensemble de trois hôtels dans la capitale, comportant aussi le Majestic et le Raphaël.
Un musée Belle Epoque, bien vivant
Le Regina a magnifiquement conservé sa décoration Art Nouveau et son ambiance Belle Epoque. C’est pour cela qu’Amélie a décidé d’y séjourner pour cette escapade parisienne. Elle a réservé une suite. C’est un portier en redingote et chapeau haut-de-forme qui l’accueille à sa descente de limousine. Pour elle, il fait tourner le tambour de la porte à tourniquet, en bois et verre, bien sûr de style Art Nouveau tout comme le hall de réception.
Admirer les vitraux Art Nouveau
Emprunter les escaliers permet à Amélie d’admirer les vitraux Art Nouveau de Jacques Galland. Elle descend les marches pour se rendre à la jolie salle du petit déjeuner. Amélie remonte aussi à pied les étages, pour entretenir sa silhouette et le galbe de ses longues jambes.
Les vignettes des galeries, comme celle ci-dessous, ne montrent qu’une partie de l’image. Pour les visualiser, cliquez sur l’une d’elles puis naviguez à l’aide des flèches.
Voir depuis les Tuileries jusqu’à la tour Eiffel
A peine arrivée dans sa suite, depuis ses fenêtres elle observe le jardin des Tuileries. Elle sort sur son balcon pour profiter du panorama. A ses pieds, la place des Pyramides, ainsi nommée pour célébrer la victoire de Napoléon Ier. Au milieu, toute brillante d’or, luit la statue équestre de Jeanne d’Arc. La rue de Rivoli la sépare à peine du jardin des Tuileries qu’elle peut entièrement parcourir du regard.
De l’autre côté, le musée d’Orsay, ancienne gare de l’exposition universelle, la coupole du Panthéon, la verrière du Grand Palais, construit pour l’exposition universelle de 1900. La tour Eiffel domine gracieusement tout le paysage. Amélie se promet de l’admirer à la tombée de la nuit.
Amélie flâne au bar anglais
Au bar anglais de style victorien, en fonction du moment, Amélie commande un thé de l’Himalaya ou un Ruinart. Elle opte pour le thé car elle dégustera du Champagne chez Boutary à la Maison du caviar.
Le Regina est chargé d’histoire. C’est là, dans ce bar anglais et dans le salon voisin, qu’a été fondée en 1919, au lendemain de la Grande guerre, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
Paris. Le Regina, Amélie. Magnifiques commodités.
Se promener dans un décor de cinéma
Le Regina est un décor de cinéma. Plus d’une centaine de films ont été tournés ici, captant l’âme du lieu.
Les vignettes des galeries, comme celle ci-dessous, ne montrent qu’une partie de l’image. Pour les visualiser, cliquez sur l’une d’elles puis naviguez à l’aide des flèches.
En promenant le regard, on y retrouve des scènes de « la Banquière » de Francis Girod, avec Romy Schneider et Jean-Louis Trintignan, « Le sang des autres », de Claude Chabrol, avec Jodie Foster et Lambert Wilson, « Nikita » de Luc Besson avec Anne Parillaud, « On connait la chanson » d’Alain Resnais avec Sabine Azéma et Pierre Arditi, etc.
Amélie, dans sa suite Art Nouveau, domine les Tuileries avec en fond, la Tour Eiffel
Au soir, Amélie retrouve sa suite, spacieuse, style Art Nouveau et confortable.
Une grande entrée meublée de fauteuils et d’une commode, un vaste salon avec une méridienne, une adorable chambre en alcôve. La salle de bain a conservé les faïences et les robinetteries en cuivre et en laiton.
Les vignettes des galeries, comme celle ci-dessous, ne montrent qu’une partie de l’image. Pour les visualiser, cliquez sur l’une d’elles puis naviguez à l’aide des flèches.
Amélie rentre de l’Opéra. Notre belle avait chaussé des escarpins noirs à hauts talons. Très joueuse, sous sa courte robe de cachemire noir, Amélie portait de fins bas noir à collerette de dentelle noire.
Après des effets de déshabillé en soie grise et dentelle blanche, dans le miroir du salon d’entrée, une pause sur la méridienne du grand salon, elle s’amuse du vaste lit haut perché niché dans l’immense alcôve. Maintenant, en nuisette, puis uniquement vêtue de ses bas noirs et de ses escapins, elle admire un peu d’artifice tiré du Champ de Mars.
Si vous appréciez, Amélie en bas jarretière, retrouvez-là dans « For nylon stocking lovers ».
Vous pouvez suivre aussi Amélie dans Paris :
– Saint-Germain des Près : Le boutique-hôtel de Buci
– Boutary : Caviar et autres délicatesses
Émouvante belle Amélie, toute de soie déshabillée dans ce magnifique écrin…
Merci pour cette remarquable découverte belle époque.
Tous mes vœux de beaux voyages et d’évasion!
Merci Serge,
heureuse année et même, belle décennie, de plaisirs esthétiques !
Bonjour,
Merci pour cette page d’histoire. En effet, je ne savais pas que c’était au bar et dans les salons du Régina que fut créée la Croix Rouge ni que de nombreux films ont été tournés en partie entre ces murs chargés d’histoire.
En ancrant votre récit dans ce lieu, vous nous permettez d’avoir un aperçu sur la personnalité d’Amélie. Enfin, cet écrin m’a permis de découvrir encore plus la beauté d’Amélie.
Merci pour tout cela.
Vous avez raison, cher Jean-Luc, car c’est Amélie qui choisit les lieux d’exception où sont réalisés ses portraits ainsi que ses tenues. Ce monument Art Nouveau parle aussi de ses goûts (d’où la longue rubrique sur Tiffany au Metropolitan museum of Art de NYC). Il ne reste au photographe qu’à la mettre en scène, par la composition de l’image, le choix des lumières, des cadrages. Les poses sont un choix commun.
L’histoire du Regina ajoute à l’atmosphère.
IPH.
Probablement la plus belle série de photos de toutes vos aventures en voyage. On souhaiterais être le photographe tant Amélie est ravissante. A quand votre prochain passage au Régina ?
La question posée par Amélie est simple : une chatte azuréenne et une chatte parisienne peuvent-elles se confondre ? Ne cherchez pas à vous dérober. J’ai pris le temps d’y répondre.
Amélie nous démontre, à sa façon, la dualité de son être, de sa sensualité mais aussi de sa dialectique. Elle ne cesse d’opposer dans cette série les contradictions qui nous poussent tantôt à gauche, tantôt à droite. Nous perdons l’équilibre face à son intellect. Nous sommes perturbés, poussés dans nos retranchements. En aucun cas, notre française de référence ne saurait être la réunion de deux moitiés. Elle sait être duale, mais toujours entière, sans concession aucune sur un détail de sa beauté, de sa toilette. En un mot, elle nous séduit.
L’encre grise de Verlaine, celle qui nous parle des matins froids de sa résidence parisienne, Amélie en fait fi. Elle contemple Rivoli de son regard brûlant, forcément méditérranéen. Son nez mutin hume la douce odeur d’une soirée d’ondée, celle d’un pavé parisien humide.
Ne vous y trompez pas ! Sa chevelue de brune assumée du Nord de l’Italie est déjà en feu.
Ne la touchez pas ! C’est une fille du feu, la seule dont Nerval ait oublié de nous parler. Il nous a menti par omission. Il l’a gardée pour lui, l’offrande d’une belle parisienne était trop belle. Il a succombé comme nous succombons un siècle après à sa bouche, ses jambes magnifiquement gainées, son sourire.
Amélie se destine à une troublante modernité, elle est au sommet de son art. Elle nous courtise, nous y répondons. C’est un art nouveau pour nous mais déjà ancien pour elle. Nous ne saurons pas qui elle attendait dans sa suite. La nuit fut probablement douce, caline, érotique et jamais sage. C’est la moindre des choses. Elle habite le début de ce siècle, nous n’en sommes que ses témoins éphémères.
Plus que son corps à apprécier, elle nous offre son corps à aimer, son intellect à contempler. Sa sensualité déborde, nous en profitons – autant que nécessaire. Nous la buvons dans un calice, tel ce nectar exquis qui nous emportera.
F.
En effet, Verlaine nous eut perdu dans les brumes pendant la traversée du Pont Neuf.
Mais pourquoi donc le très parisien Nerval aurait-il omis une Fille du feu ? L’aurait-il sciemment dissimulée, dans le tableau de quelque fumoir ? Aurait-il succombé au projet de s’enfermer avec elle dans un cabinet secret, à la recherche de la Boussole et de l’Astrolabe, pour percer le mystère de La Pérouse ?
Sous l’influence des grandes expéditions marines d’Orient, le poète l’aura peut-être parée d’une courte robe-kimono, si facile à dénouer, dit-on…
Il ira jusqu’à emprunter l’encre moirée de Baudelaire, s’il choisit de faire rimer « entière » avec « jarretière » d’odalisque agenouillée… Il ne nous révèlera manifestement pas tous les délices de son périple et l’on comprend mieux les motifs de son jeu d’omissions.
Merci, cher F., pour cette immatérielle parure et cet hommage si artistiquement ciselé,
Amélie