La dernière saison d’Edouard Loubet à Capelongue

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Capelongue – Edouard Loubet accueille Amélie.

Le chef accueille Amélie, lors de sa dernière saison

Lors de sa dernière vraie saison à Capelongue, Edouard Loubet accueille Amélie. En principe, cela n’aurait pas dû se passer tout à fait comme cela. Après avoir signé l’acte de vente de ses domaines et restaurants dans le Petit Luberon, à Lourmarin et Bonnieux, le grand chef aurait dû rester à la barre et aux fourneaux jusqu’à fin septembre 2020, soit encore une saison complète… mais un virus parti de Wu Han, dans la province chinoise du Hubei, en a décidé autrement. Le 15 mai 2000, la France était confinée, tous les restaurants fermés. Un confinement qui, pour les restaurants en intérieur, durera un peu plus d’un an.

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Capelongue – Edouard Loubet accueille Amélie.

Finalement, c’était donc bien lors de sa dernière vraie saison aux commandes du vaisseau de Bonnieux qu’il a reçu fort gentiment Amélie.

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Capelongue – Restaurant Edouard Loubet. Amélie.

 

Finis les allers-retours entre le Luberon et la Savoie

Les Loubet ont travaillé en famille mais écartelés entre le Luberon et la Savoie.

D’un côté, en 1992, dans le Luberon, avec sa mère, Claude Loubet, femme d’affaires avisée (qui avait acquis et géré l’hôtel Fitz Roy de Val Thorens où le jeune Edouard avait fait ses débuts en apprenti) il acquiert le Moulin de Lourmarin, un ancien moulin à huile du XVIIIe siècle, dans le village. Edouard en fait un haut lieu culinaire où l’on redécouvre les chardons comestibles et il y a obtient sa première étoile en 1995, à 25 ans, plus jeune chef français étoilé ; trois ans plus tard la seconde. Ce fut le seul deux étoiles du Vaucluse. Puis s’ajoute le Galinier, une maison d’hôtes dans une bastide du XVIIIe. Avec l’aide de son grand-père, Yvon et d’un ancien maraîcher, Adrien Lombard, il crée aussi à Lourmarin un potager de 5 hectares.

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A Bonnieux, c’est Claude, qui a découvert le domaine de Capelongue, grande bastide de pierre sèche, entre moderne et tradition, alors inachevée, à l’abandon. Elle l’acquiert et la fait terminer. Patiemment, elle la décore et la meuble, avec l’aide de sa fille Marina, dans le style d’un bel artisanat provençal, meubles blanchis, teintes blondes, rideaux en lin, boutis cousus main. Les 17 chambres n’ont pas de numéros mais des noms issus des romans de Giono.

En 2005, son fils Edouard en reprend les rennes, y installe son Restaurant Edouard-Loubet (tout en conservant les établissements de Lourmarin, dont le restaurant confié à Eric Corbon). Ses deux étoiles Michelin obtenues à Lourmarin y sont confirmées en 2006. Il ouvre aussi un bistronomique de cuisine provençale, La Bergerie. Le domaine de Capelongue s’est même agrandi avec La Ferme.

De l’autre côté, en Savoie, son épouse Isabelle gère avec son frère, le chef Eric Guelpa, les chalets de La Croix-Fry à Manigod et l’Alpette à Megève. Le couple a trois enfants, encore jeunes.

Il en a résulté, depuis 30 ans, d’incessants va-et-vient, de son épouse et ses enfants, l’été vers le Luberon et plus encore d’Edouard Loubet, l’automne et l’hiver vers la Savoie. Autant de fatigue et d’impression de ne pas vivre pleinement ensemble, voire, pour le chef, le regret de manquer des moments essentiels auprès de ses enfants.

Le Savoyard a choisi sa montagne

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Capelongue, sculpture de De Manca.

Après deux années de réflexion, le chef a choisi, en faveur sa Savoie natale. Le montagnard retourne dans ses sommets, ses pistes enneigées, auprès des siens. Il a vendu ses établissements du Luberon, prospères et bien gérés, au groupe américain Les hôtels d’en Haut – KSL », qui vient tout juste de prendre le nom de Beaumier Hotels.

Beaumier, déjà présent en France, dans les Alpes (l’Alpaga à Megève, Les 3 vallées à Courchevel, le Val Thorens et le Fitz Roy à Val Thorens, là même où démarra dans l’hôtellerie de luxe la famille Loubet) possède aussi les Roches Rouges à Saint-Raphaël et poursuit son expansion en Europe.

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Capelongue – Amélie.

L’âme d’un champion précoce

Edouard est né le 25 septembre 1970, à Val Thorens. Il y a grandi, auprès de son grand-père, Yvon, jardinier. Sa relation charnelle à la terre et aux plantes qui caractérise sa démarche et sa cuisine, c’est le souvenir du grand-père qui fut un modèle. Son grand-père encore, qui l’a aidé à créer à Bonnieux son fameux potager. L’une de ses recettes fétiches est, « La tarte retournée du Grand-Père Yvon » aux pommes et aux noix ; Son menu de prestige, à Capelongue est intitulé « Hommage à Yvon ». Il explique : « Dans chaque plat, j’aspire à retrouver ce qui possède encore la saveur de l’authentique afin de faire revivre les souvenirs et les rêves de mon enfance ».

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Capelongue – Edouard Loubet. Pintade laquée au sésame noir. Infusion de sauge et chips d’orange.

Sa grand-mère, Raymonde, était aux fourneaux, ses recettes ont marqué le jeune Edouard, il les évoque aujourd’hui mais à l’époque cela ne lui a pas donné pour autant la vocation de la cuisine. Il ne voulait pas faire ce métier. Les études ne le passionnaient pas, il regardait le ciel, rêvait d’animaux, de nature et de ski. Il a redoublé trois fois et s’est arrêté en 4ème avant d’entreprendre, tout de même, un CAP de cuisinier – pâtissier au centre de Saint-Alban Leysse. En fait, il voyait son avenir comme vétérinaire ou champion de ski, il a d’ailleurs fait partie de l’équipe de France Espoirs de ski alpin et aujourd’hui encore remporte les compétitions de ski entre cuisiniers mais puisqu’il apprend la cuisine, il le fera comme un champion. Il sera élu Meilleur apprenti de France.

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Le village perché de Bonnieux vu de Capelongue.

Il commence modestement dans l’établissement de sa mère, le Fitz Roy à Val Thorens, l’hôtel le plus haut d’Europe. Autant poursuivre les choses en grand, sa mère l’encourage à apprendre l’anglais. Il n’a même pas 15 ans, il part en Amérique du Nord, auprès des chefs réputés du moment, Fernand Guterez au Ritz Carlton de Chicago, puis au Château de Frontenac à Québec, l’emblématique palais qui domine la ville.

De retour, il écrit aux vingt plus grands chefs français. Ainsi, à 16 ans, il poursuivra sa formation chez Alain Chapel, son « Maître » qui lui enseigne les secrets d’un potager et la verticalité du produit, à Mionnay, puis Pierre Orsi et Philippe Chavent, à La Tour Rose, de Lyon. A 22 ans, le voilà chez Marc Veyrat son « Père spirituel » qui l’initie à la découverte et à la cueillette des plantes sauvages. C’est là qu’il rencontre sa future épouse, Isabelle Guelpa Veyrat, la propre nièce de Marc Veyrat. 

On connait la suite du parcours du jeune champion.

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Capelongue – Edouard Loubet dans son restaurant, avec Amélie.

Edouard Loubet explique son travail à Amélie

Des décennies d’aventure, de travail acharné avec des choix bien précis : Il en a des choses à dire.

Edouard Loubet accueille Amélie et pose avec elle sous le porche, élément « moderne années 60-70 » de la bâtisse, avec sa casquette en béton armé, sa belle porte en bois enchâssée dans un mur de verre, à la mode américaine. Elément que sa maman, Claude Loubet, avait conservé pour garder l’âme du contraste entre tradition et modernité voulue par le concepteur initial de Capelongue.

Mais sitôt franchi le seuil, on retrouve le goût malicieux de Claude et Marina dans le style de la réception : un comptoir de mercerie et ses vitrines dans lesquelles sont accrochées les clefs de chambres devenues odorantes puisque garnies d’un coussinet de lavande.

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Capelongue – Amélie.

Le chef doublement étoilé parle à Amélie de son potager de 5 hectares en permaculture où il cultive des fruits et légumes oubliés, avec toujours de nouveaux légumes qui s’adaptent au changement climatique, et ses propres herbes aromatiques. Il raconte sa relation avec les producteurs, sa recherche obsessionnelle d’un élevage le plus sauvage possible.

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Il évoque son amitié avec les viticulteurs Jean-Pierre Margan et sa fille Nathalie du Château La Carnorgue, que connaît Amélie. Bien sûr, il conte amoureusement son aventure viticole, la production de ses propres vins, les cépages anciens oubliés ou rares, comme le Marselan dont l’étiquette porte une silhouette de sanglier, une recette fétiche signée Edouard Loubet. Il en offrira d’ailleurs à Amélie.

Le domaine est un lieu d’exposition permanente, l’art est partout, Amélie a remarqué les sculptures de De Manca dès l’entrée dans le domaine. Celle de Christophe Bricard, avec ses découpes de silhouettes dans des plaques en miroir.

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Capelongue. Sculpture de Christophe Bricard.

Les œuvres sont choisies par Isabelle, son épouse, avec Edouard. Amélie a apprécié les photographies de Hans Sylvester sur les états de l’eau. Ce photographe indépendant, passionné de nature, militant écologiste allemand est un ami du couple et partage beaucoup de valeurs avec Edouard Loubet.

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Capelongue – Sculpture De Manca.

Un parcours brillant mais un goût d’inachevé

Première étoile à 25 ans, en 1995, la deuxième 4 ans plus tard, au Moulin de Lourmarin, transférées en 2006 à Capelongue. Et puis ?

Certes, il a été célébré, notamment par le Gault et Millau qui l’a élu cuisinier de l’année 2011, noté 19/0 et lui a attribué une cinquième toque en 2012 et jusqu’à maintenant pour son restaurant de Capelongue… mais pas de troisième étoile au Michelin.

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Capelongue, le restaurant au couchant.

Dans la fable, le renard, qui ne peut atteindre les raisins, dit qu’ils sont trop verts et bons pour les goujats mais Edouard Loubet, lui, ne joue pas les blasés. Il avoue sans détours qu’il aurait bien voulu atteindre la 3ème étoile et ne sait pas pourquoi il ne l’a pas obtenue. Il suppose qu’il paie peut-être le fait d’avoir été étoilé trop jeune, trop tôt. Cela restera un regret, l’impression, dit ce skieur toujours sportif, « de ne pas avoir franchi la ligne d’arrivée ».

« J’ai été le plus jeune à obtenir une étoile – à 25 ans – et je suis le plus jeune à vendre – à 50 ans », dit-il en riant. Non, Edouard Loubet n’insistera pas des années dans l’attente d’une hypothétique troisième étoile.

Une recherche exigeante de la nature sauvage

Troisième étoile ou pas, il ne se serait pas compromis pour autant. Il n’a pas cherché à étonner toujours d’avantage, son travail « un peu foufou » des jeunes années, s’est assagi tout en restant toujours inattendu. Il définit sa cuisine comme « inhabituelle mais pas extravagante ».

Cependant, il n’a renoncé à aucune de ses exigences de proximité toujours plus grande avec la nature. Il recherche sans fin un élevage respectueux des animaux et proche de la nature sauvage. Il parcourt les sentiers du Luberon, cueilleur – curieux d’herbes. Il voue un culte à la nature en cuisinant tout ce qu’elle offre, herbes aromatiques, fleurs, racines, fruits, bourgeons, salades sauvages…

Michelin lui a d’ailleurs décerné l’Etoile verte en 2019, pour son implication dans la gastronomie durable.

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Capelongue, le restaurant au couchant.

 

Capelongue, sans Edouard Loubet, est-ce seulement concevable ?

Le Moulin, le Galinier et Capelongue, c’est le fruit de trente années de travail patient, acharné, pour parvenir à ce résultat salué et couronné. L’ensemble est à la fois Relais & Châteaux, table deux étoiles, maison d’hôtes, bergerie et table d’hôte, la Bergerie. On a aussi le plus long bassin de nage d’Europe, etc.

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Capelongue – Amélie.

Tout ici porte sa marque et son nom, par seulement implicite. Son portrait est omniprésent. Son nom apparaît partout, sur la couverture et au moins une fois sur chaque page de la brochure de présentation du domaine, sur la couverture à chaque page du menu et même sur les étiquettes des bouteilles de vin. Edouard Loubet et sa maman, Claude, sont ici dans chaque pierre, chaque poutre, chaque arbre. C’est peu dire qu’ils y ont mis leur âme et un peu d’eux-mêmes dans la moindre parcelle de ce lieu.

Et ses vins, en particulier son Marselan velouté. En trouvera-t-on encore ?

Oui, il va continuer à produire du vin, des fruits, des herbes, en Luberon « J’ai de nouvelles ambitions : servir mon métier et construire une cuisine d’avenir dans un cadre tourné vers la nature, avec une agriculture et un élevage à l’état sauvage, travailler encore davantage mes vignes et mes vins. »

Son équipe, une soixantaine de personnes, tout de même, reste en place.

 

Retrouvez les coups de coeur culinaires d’Amélie dans Gastronomie   (chefs étoilés Michelin et Talents de la gastronomie)

Retrouvez Amélie dans Focus on Amélie.

 

 

2 commentaires sur “La dernière saison d’Edouard Loubet à Capelongue”

  1. Vos photos sont magnifiques. Il faut dire que le modèle relève la beauté des lieux. on aimerait être dans ces hôtels qui ont la chance d’avoir Amélie pour les sublimer.

    Merci…

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